« Qu'est-ce qui fait connaître à l'homme le paysage de la Lune, les
taches du soleil, ou la géographie des planètes ? L'homme est à la
merci des instruments d'optique pour tout cela, et reste impuissant
tant qu'il ne les a pas ajoutés à sa propre identité et n'en a pas
fait une portion et un fragment de lui-même.
[...] En fait, partout où la précision est requise, l'homme accourt
vers la machine, de loin préférable à lui-même. Nos machines à
calculer ne laissent jamais un chiffre, nos métiers à tisser jamais un
maille ; la machine est vive et active, tandis que l'homme est las ;
elle est lucide et apathique ; elle n'a pas besoin de sommeil, tandis
que l'homme doit dormir ou renoncer ; toujours à son poste, toujours
prête au travail, son enthousiasme ne faiblit jamais, sa patience ne
cède jamais
[...] On peut rétorquer que même si les machines devaient entendre
mieux que jamais et parler avec la plus grande intelligence, elles
feront toujours l'un ou l'autre pour notre bénéfice, non pas le leur ;
que l'homme sera toujours l'esprit directeur et la machine le
serviteur ; qu'aussitôt qu'une machin échoue à remplir le service que
l'homme attend d'elle, elle est vouée à l'extinction ; que les
machines se trouvent dans le même rapport à l'homme que les animaux
inférieurs, le moteur à vapeur lui-même n'étant qu'une espèce de
cheval plus économique ; que donc, bien loin de devenir plus évoluées
que l'homme, elles tirent précisément leur existence et leur progrès
de leur capacité à pourvoir aux besoins humains, et doivent par
conséquence, maintenant et pour toujours, rester les subordonnées de
l'homme.
Tout cela est très bien. Mais le serviteur glisse par d'imperceptibles
approches dans la peau du maître ; et nous en sommes arrivés à un tel
point qu'aujourd'hui déjà l'homme souffrirait terriblement s'il
cessait de bénéficier des machines.
[...] Ainsi, même maintenant, les machines ne servent qu'à condition
d'être servies, et cela selon les termes qu'elles définissent
elles-mêmes.»
Ce texte est une nouvelle d'anticipation. L'auteur minimise que
"l'homme" qui fabrique n'est en fait que quelques humains (et surtout
pas tous). Donc l'esprit directeur ne serait qu'un nombre tout petit
d'humains qui se mettaient en amont de l'humanité. Cela devient une
question politique de la liberté humane si nos conditions de vie
eposent sur quelques-uns.