Les nouveaux OGM arrivent mais ...
Paris le 2 août 2024
Les OGM conventionnels ne recouvrent pas que les OGM transgéniques, mais sont surtout connus comme tels. Alors que les industriels nous les vendaient comme destinés à résoudre la faim dans le monde ou à diminuer l'usage des pesticides, force est de constater qu'ils sont, encore en 2024 :
- tolérants à un herbicide (et donc leur développement contribue à l'augmentation de la consommation d'herbicide [1]),
- ou produisant une toxine insecticide (et donc leur développement engendre des insectes résistants [2]) ;
- ou ils sont les deux.
Les exceptions se comptent sur les doigts d'une main et ne sont que des têtes de gondole promotionnelles. En clair les OGM conventionnels sont associés à plus d'herbicides, à plus d'insecticides ou aux deux.
Mais les nouveaux OGM nous sont vendus comme nouveaux (comme si c'était un argument) et donc sont censés
- aider à lutter contre "l'adoucissement du climat" (l'expression par la Commission européenne est climate mitigation, soit "adoucissement du climat". Les gens sensés ont renoncé à parler de réchauffement climatique au profit du dérèglement climatique, mais la Commission reste à vouloir adapter notre système pour nous adapter à ce dérèglement climatique sans trop changer le business) ;
- diminuer l'usage d'herbicides et d'insecticides (alors qu'ils sont associés à plus d'herbicides ou d'insecticides comme on le voit plus bas) ;
- avoir moins besoin de fertilisants (mais pourquoi les cultures chimiques ont-elles besoin de tant d'intrants ?) ;
- être résistants à la sécheresse ;
- permettre de lutter contre le gaspillage alimentaire (on pourrait racourcir les chaînes de distribution ?) ;
- susciter moins d'allergies au gluten (mais d'où viennent les allergies aux glutens ... si ce n'est des variétés "optimisées" pour la panification industrielle ?) ;
- et ils n'osent plus invoquer la faim dans le monde (on ne sait si on doit sourire ou s'indigner de la propagande).
Nous avons des réponses à chacun de ces éléments de langage (nous contacter). Il est à noter qu'au contraire des années 2000, les industriels ont été rejoints par la Commission européenne qui a pris fait et cause pour l'industrie et contre la volonté des consommateurs. Elle revendique d'aider le développement d'une industrie dont elle pense que sortiront des solutions pour nous "adapter à l'adoucissement du climat" (climate mitigation en anglais) !
Mais quels exemples a-t-on de nouveaux OGM (issus de techniques appelées NTG par le projet de dérèglementation des nouveaux OGM) ?
Deux maïs issus de NTG répondant aux doux noms de DP915635 et DP23211 viennent d'être autorisés à l'importation (pas à la culture) par l'Europe à la demande de Corteva. Les dossiers scientifiques respectifs sont trouvables ici et ici. Ces études sont uniquement sur la base des données fournies par CORTEVA.
On y vérifiera que ce sont des nouveaux OGM (CRISPR est utilisé pour le premier et des endonucléases (Cre-Lox) pour le second), et aussi transgéniques (leur fabrication requiert Agrobacterium tumefaciens), qu'ils sont parfaitement détectables (alors que la Commission affirme que les plantes issues de NTG sont indétectables) et que CORTEVA se met en position pour satisfaire le Protocole de Cartagène. Enfin des morceaux d'ADN de bactéries, de pomme de terre (Solanum tuberosum) etc sont insérés.
Les deux (DP915635 et DP23211) seront génétiquement modifiés pour être tolérants à l'herbicide glufosinate qui a été banni en Europe ...
Le premier
fougères
arborescentes, et le second .
Le second (DP23211) produit également un ARN interférent (DvSSJ1 en dsRNA) qui cible les cellules épithéliales de l'intestin moyen pour tuer les insectes qui se nourrissent de la plante. Bien sûr, personne ne sait si cet ARN aura un effet sur un plus large spectre d'insectes, ou d'animaux, dont les animaux qui s'en nourrissent, dont les humains.
Le second contient également un gène produisant la phosphomannose isomerase (PMI) qui est un gène marqueur (comme les gènes de résistance à un antibiotique).
Donc les
premières plantes issues de NTG autorisées (à l'importation) en
Europe sont comme les OGM transgéniques, des plantes à herbicide et
insecticides, dont les insecticides à ARN interférent.
Une analyse plus scientifique peut être trouvée sur le DP 915635 et sur le DP23211 par Testbiotech.
Certes ces deux maïs iront dans l'alimentation animale et non humaine. Mais si on nous dit qu'ils apportent des gains de productivité et que c'est vrai, alors pourquoi mettre les fermiers européens en compétition avec les fermiers américains qui dégradent leur environnement et ainsi déséquilibrer le commerce ? L'Europe devrait protéger les fermiers européens fut-ce contre la demande de certains. Mais elle préfère le libre marché aux libres européens.
Ces deux NTG ont donc les mêmes défauts que les OGM conventionnels, mais aussi la présence d'un nouveau type d'insecticide, type d'insecticide sur lesquels on n'a aucune information de sécurité. La Commission européenne et l'Etat français vont continuer de mettre en avant les (faux) arguments pour toucher le peuple (et le rouler).
Nous devons rappeler que de nombreux NTG sont promis depuis presque une décennie, mais n'arrivent pas jusqu'au marché. On nous objecte parfois que ce serait à cause des réglementations européennes. Mais les retards au développement sont encore plus vrais aux EUA où un champignon qui ne brunit pas a été fait dès 2014 avec autorisation de commercialisation sans étiquetage dès 2015. Il n'est pas encore sorti à cause des brevets qui en empêchent le développement ! Nous sommes fiers que l'Europe des années 2000 ait été stricte sur les OGM et nous sommes très critiques de ce que la Commission actuelle travaille au désétiquetage des OGM / NTG.
Les très rares "réussites" de NTG qui arrivent jusqu'au marché sont
analysées sur une page de Beyond GM. Toute cette énergie pour si peu de
produits, mais tant de concentration du pouvoir sur notre alimentation
et donc nos vies !!! Ce n'est pas seulement à ces OGM ou NTG que nous
nous opposons. Nous nous opposons à la Commission et aux Etats qui
veulent nous forcer à manger des OGM en nous le cachant puisqu'ils
travaillent à supprimer les étiquettes. Nous soutenons les
consommateurs qui veulent savoir ce qu'ils mangent.
Fait à Paris le (date plus haut)
Références
[1] L'Environment Protection Agency
(ministère américain du Nord de l'environnement) donne des graphiques
de consommation d'herbicide par régions et leur évolution. https://water.usgs.gov/nawqa/pnsp/usage/maps/show_map.php?year=2019&map=GLYPHOSATE&hilo=L&disp=Glyphosate.
Le site weedscience (science des adventices) fournit des graphiques
des adventices qui sont devenues résistantes à des herbicides, https://www.weedscience.org/Graphs/MultipleSOA.aspx
[2] exposés à des insecticides (souvent en
dessous de la DL50), les insectes ont une pression de sélection pour
muter en résistant aux insecticides (qu'ils soient chimiques ou
génétiques, mais les génétiques les y exposent souvent pendant toute
la présence de la plante en champ). On l'a vu pour la Chrysomèle des
racines du maïs (en anglais : western corn rootworm et en latin Diabrotica
virgifera virgifera) qui a été documentée dès 2011 par Gassmann et al comme du à l'exposition à des
insecticides génétiques (Bt). Idem avec Striacosta albicosta
dans Journal of Integrated Pest Management, Volume 10, Issue
1, 2019, 27, https://doi.org/10.1093/jipm/pmz025.
L'OGM DP23211 vie justement à proposer un nouvel insecticide pour cet
insecte.