Audition parlementaire du 25 janvier 2005 pour la commission d'étude des OGM.
Exposé liminaire (limité à 3 minutes), puis projets de réponses si le d"bat avait pu avoir plus de profondeur. Dans les faits, nous n'avons eu aucune question sur notre exposé et avons répondu sur les risques de dissémination.

Mesdames et Messieurs les députés,

Nous sommes une association de citoyens, sans affiliation politique ou religieuse. Le nom de l'association est « OGM dangers » avec un "s" pour rappeler que les OGM sont des objets multiformes qui ne peuvent être réduits aux seuls enjeux alimentaires, environnementaux et parfois économiques. J'ai donc choisi de ne pas parler de ces enjeux. Mais si vous m'interrogez, je répondrai.

Nous pensons que l'on ne peut pas bien critiquer les OGM si l'on ne critique pas aussi le monde qui leur a donné naissance et avec lequel ils intéragissent, et le meilleur des mondes vers lequel ils nous entraînent.

Je vous livre dans la suite quelques citations en rapport avec les OGM. Commençons avec un premier point : la volonté et le rapport à la nature.

Giulano d'Agnolo, directeur d'un laboratoire de biologie cellulaire écrit : « Je ne comprends pas l'inquiétude des consommateurs. Comme s'il existait encore des cultures naturelles.»

Je ne parle pas des risques alimentaires. Ce qui m'intéresse, c'est la conviction (que je ne discuterai même pas) qu'il n'y a pas de cultures naturelles et bientôt plus de nature. Tout ceci au profit de la culture (au sens intellectuel). Nous prétendons que notre société, apolinienne au sens de Nietzsche, veut faire une guerre à la nature par adoration de la Culture, de la Volonté, de l'intellectualité dans un délire manichéen attentatoire à notre humanité essentiellement complexe. La nature comme irréductible à notre volonté est la seule pierre de touche de notre humanité. Nous en avons donc besoin. Et sans pierre de touche, pas d'or ... Mais nous n'avons pas le temps d'en parler.

Autre point. Nous sommes convaincus que dans une société où si l'on n'est pas progressiste, on est considéré comme réactionnaire, il règne la foi dans l'existence d'un sens à l'histoire (à gauche comme à droite !). C'est cette foi que nous voyons derrière quelques citations :

Une de Condorcet qui rappelle le fondement historique remontant aux lumières et au positivisme : « La nature n'a marqué aucun terme au développement des facultés humaines ; la perfectibilité de l'homme est réellement infinie » .

Mais aussi Serge Lepeltier, ministre de l'Ecologie qui dit « Je suis pour la poursuite des expérimentations d'OGM en plein air, sauf à remettre en cause la poursuite du progrès ».

Mais aussi Daniel Cohen, généticien, cofondateur du généthon et du CEPH qui écrit : « A bas la dictature de la sélection naturelle, vive la maîtrise humaine du vivant ! Car à quoi bon se voiler la face ? Il est évident que l'homme, dans un avenir plus ou moins proche, aura le pouvoir de modifier son patrimoine génétique. Et l'appréhension que suscite l'évocation d'une telle échéance ne semble guère justifiée. [...] Je suis persuadé que l'homme futur, celui qui maîtrisera parfaitement les lois de la génétique, pourra être l'artisan de sa propre évolution biologique, et non celui de sa dégénérescence ».

Ou encore « Je suis fier et heureux de pouvoir continuer à participer au développement de la science et du progrès.» Ah oui, j'ai oublié de vous dire que son auteur est le Docteur Antinori qui travaille au clonage reproductif humain. Mais en fait, quelle différence, à part qu'il n'a pas l'onction d'un Etat ? Le XX ème siècle a bien montré que les Etats n'étaient pas synonymes de bien. Fussent-ils de droit, fussent-ils des démocratie ...

Un autre aspect est la volonté démiurgique. ainsi des chercheurs travaillent à "make life from scratch" (fabriquer la vie à partir de rien). Mais je n'ai pas le temps d'en parler.

Gregory Stock est un universitaire américain favorable aux modifications génétiques de l'humain qui dit : « Si je voulais faire émerger l'amélioration génétique de l'homme par l'homme, je ferais exactement ce qu'il est en train de se passer : je mènerais un large projet international de décodage du génome humain comme le Human Genome Project, auquel la France participe ; je favoriserais les pratiques de fertilisation in vitro et de diagnostic préimplantatoire pour éviter les maladies génétiques ; et, bien sûr, je développerais aussi les techniques de manipulation du patrimoine génétique des cellules... (rires)».

Nous pensons que vous autres politiques, soutenus par des chercheurs (sans forcément qu'ils soient vendus au grand capital), vous travaillez à l'acceptabilité et à l'avénement d'un monde dont je ne doute pas que vous le réprouvez. Mais pour le Progrès, mais pour la Science, mais pour la France, vous refusez, avec les chercheurs, qu'on l'arrête.

Enfin, Peter Sloterdijk, philosophe des biotechnologies (on a aussi Dagognet chez nous !) qui écrit : « Les nouvelles applications de la biologie permettent aux hommes d'agir sur leur vie même, en repoussant, à terme indéfiniment, l'horizon de la mort ».

Eh bien vous voyez, nous sommes dans le camp de ceux qui acceptent la mort, la maladie, les défauts. Vous êtes dans le camp du Progrès, de la Croissance, de la perfection, de l'absence de limites.

C'est en fait à la lutte de deux mondes, dont je pense que vos sentiments vont finalement vers le nôtre, que l'on assiste.

Prévu pour les Questions/ réponses

Je voudrais citer la définition juridique d'un OGM : "organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle."

Je ne peux donc que m'étonner que l'INRA et les chercheurs du secteur public fassent remonter les OGM au néolithique. J'ai même lu :

«La nature n'a fait que fabriquer des OGM tout au long des quatre milliards d'année qui viennent de s'écouler » et plus loin « la transgénèse [...] ne diffère pas fondamentalement des techniques de sélection naturelle, ou d'hybridation ».

La nature a-t-elle fait en un an un plant de tabac avec un gène humain ? N'y a-t-il pas contradiction entre le discours laudateur qui annonce une révolution, et celui qui dit qu'il n'y a pas de changement ?

Il faut choisir, mais tabler sur les deux relève de la malhonnêteté intellectuelle car je sais que la personne sus citée connait cette définition et ces exemples. Vous aurez peut-être reconnu qu'il s'agit du président de votre mission qui rédigeait l'éditorial de la revue du GNIS. Mais j'aurais aussi pu choisir P.G. de Gennes, Daniel Cohen ou le National Research Council (en 1989).

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Les pro-OGM ont réussi à convaincre même les résistants aux OGM de parler de maïs "résistant à l'insecte" pour un maïs émettant l'insecticide Bt. J'ai même trouvé sur le site de la CGB l'expression de "maïs tolérant à l'insecte".

Une image vous fera comprendre la portée de la novlangue biotechnologique. Je suis un maïs et je me promène dans la rue. Un insecte m'agresse et je le tue. La police arrive et je lui dis que j'ai résisté à mon agresseur. Les policiers vont rire. De plus fort, si je leur dis que j'ai été tolérant à mon agresseur, ils me mettent en hopital psychiatrique et ils auront raison.

Je n'ai pas entendu parler de beaucoup de pro-OGM envoyés en hôpital psychiatrique !

Il est vrai que si on les appelle maïs-insecticides, il faut les autoriser aussi comme insecticides. Or, on ne va quand même pas désespérer l'Industrie et les chercheurs. Comme le dit un lobbyiste, cela « pourrait susciter une réaction négative » et l'OCDE d'ajouter « l'opinion publique est un puissant levier qu'il importe de maîtriser ».

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Vu l'intitulé de votre mission, j'aurais donc pu et même du être heureux que des aspects politiques, juridiques, voire philosophiques soient enfin pris en compte.

Cependant, j'avais cinq minutes lors du débat sur les essais en champ au Conseil Economique et Social en 2002 et bien que votre mission soit plus large, j'en ai présentement trois.

Ceci, rapproché des 15 membres de la mission (sur 31) qui assistent à ces tables rondes, me fait penser que vous pensez connaître la question et que vous avez organisé un spectacle de consultation et non une consultation.

Je tiens donc à remercier les membres présents qui ont eu la politesse de venir. Nous pensons que tout cela n'est qu'une pantalonnade qui vous permettra d'écrire dans votre rapport que vous avez écouté la société civile et je ne doute pas que vous préconiserez la constitution d'une commission (consultative surtout !) d'éthique ou la prise en compte des questions d'éthique.

Francis Crick qui écrivait « Un groupe de personnes devrait décider que certains aient plus d'enfants, et d'autres moins ... Il faut décider de qui va naître »

De même, Olivier Danos, Directeur scientifique du Généthon écrit « De la médecine à l'agriculture, la biotechnologie se propose de refaire le monde ». Rien que ca ...

Sur la tentation des sociétés industrielles de réduire leurs membres à n'être que des machines en les mesurant à l'aune de leurs capacités, Peter Singer du centre de bioéthique humaine (!) écrit : « Si l'on compare un enfant sérieusement défectueux avec un animal non humain, un chien ou un porc par exemple, on trouve souvent que le non humain a des capacités supérieures ... ».

Si l'on commence à juger les êtres par leurs capacités, comment s'arrêter avant l'horreur ?

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